IRON(MAN vs WILD) 70.3 Aix 2018

Contexte : Un samedi noir

Nous sommes le 21 Avril, j’ai pour la première fois chuté à vélo… Dans la descente du col du Semnoz, en pleine reconnaissance du parcours de l’Alpsman « MON » défi de cette année 2018.


Un nid de poule dans un virage à grande vitesse, je n’ai rien pu faire.
Sur le coup plus de peur que de mal, des brulures un peu partout, une main droite qui a doublé de volume et qui n’est pas très belle à regarder, mais cela ne va pas en rester là malheureusement…

2 semaines plus tard, le bilan s’alourdit.
La première radio faite aux urgences avait été faussée par la taille de l’hématome.
J’ai finalement une belle fracture qui, n’ayant pas été traité à temps, va me contraindre à subir une opération (je m’en doutais au vu de la douleur qui ne faiblissait pas…)

l’Ironman d’Aix : J-7
Alpsman : M-1

Autant vous dire que cette blessure arrive au pire moment…

Je dois me faire opérer afin que l’on me mette une broche, s’en suivra 3 mois de convalescence et de réeducation.
Hors de question de faire une croix sur mes compétitions, je me suis entrainé comme un fou toute l’année pour ça.
Je me ferai donc opérer juste après l’Alpsman. Ma main m’handicape vraiment beaucoup, il m’est très compliqué de nager, et tenir le cintre du vélo n’est pas une tache très agréable…
Peu importe je dois faire avec.

1ère étape : Ironman 70.3 d’Aix ce weekend, nous verrons bien si je tiens la route.

 

Veille de la course 

Une seule séance de natation en 3 semaines. quelques sorties vélos tumultueuses et pas mal de course pied pour compenser le tout. Voilà à quoi ressemblait ce dernier mois de préparation. Ce n’est pas vraiment de cette manière là que j’imaginais la dernière ligne droite de ma préparation. Tant pis, je peux déjà m’estimer heureux de pouvoir m’aligner demain sur cette course. Cet ironman 70.3 devait être révélateur de mon état de forme et du fruit de mon travail avant d’affronter l’Alpsman.

Il fait beau et chaud en ce samedi 12 Mai. Pourtant la météo annonce du froid, du vent et de la pluie pour demain… Difficile de se projeter dans ces conditions.

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Vélo en place

Tout est prêt dans les deux zones de transition qui m’attendent demain, je commence à avoir l’habitude, ma Check List est OK, je peux rentrer me reposer avant le D-day.

Direction Peyrolles pour le départ

Réveil à 4H45 du matin, avant de prendre la direction du lac de Peyrolles

Bonne surprise lorsque j’arrive sur place accompagné de Karen, il ne pleut pas et la température est plutôt agréable (aux alentours des 13 degrés)

Je pénètre dans le parc à vélo pour faire les derniers ajustements. Les pneus sont gonflés, les bidons en place et mes chaussures sont fixés sur mon vélo avec des élastiques afin de gagner du temps lors de la transition.

Il est temps de se diriger vers le lac et d’enfiler la combinaison.
Dare2Tri, mon partenaire (équipementier) cette année m’a envoyé une superbe combinaison dernière génération. Elle est parfaitement à ma taille, j’ai vraiment hâte de me jeter à l’eau !

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Combinaison Dare2Tri au top ^^

Comme toujours la pression monte au fur et à mesure que l’heure de départ s’approche.
Seulement aujourd’hui c’est un peu différent. Je suis clairement diminué par ma main. La natation et le vélo ne vont pas être une partie de plaisir. Je ne sais vraiment pas comment je vais pouvoir « gérer » la douleur. C’est un peu un saut dans l’inconnu même si j’ai déjà participé à l’édition 2017 de cet ironman.
Pourquoi je suis là malgré ma blessure ?
Parce que j’ai besoin de me rassurer et savoir si je peux m’aligner sur l’Alpsman…
Mon objectif ?
Tout donner et aller au delà de la douleur, je veux me persuader que c’est encore possible, que cette année d’entrainement n’a pas été vaine.
Les réveils à 5h tous les matins, les longues sorties vélo interminables dans le froid et le mistral cet hiver, les longueurs de piscine à ne plus en pouvoir à force de compter les carreaux…

Vous comprenez maintenant… Pourquoi je suis là ? Avec mon bandage de fortune à la main droite, devant ce lac avec 2000 autres athlètes ? Cela peut sembler risible, mais pour rien au monde je n’aurais renoncé.

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Quelques secondes avant de me jeter à l’eau… Concentration 

Je suis dans la file d’attente au milieu des autres athlètes, concentré, les yeux fixés sur les bouées. Les concurrents se jètent à l’eau 6 par 6 toutes les 8 secondes, c’est le principe du Rolling Start. Cela est plutôt en ma faveur, les chances de prendre un mauvais coup de pied dans ma main sont réduites.
Le Bip retentit, c’est mon tour ! La course est lancée, je me précipite en courant dans le lac avant d’y plonger.

Natation : 1 900m (33’50 »)

Pris par une montée d’adrénaline, je pars sur un rythme plutôt soutenu. Ma main cassée me fait souffrir à chaque fois que je lui oppose une résistance à l’eau lors de la traction. mon geste est décousu et peu efficace sur le coté droit. Je vais assez vite le payer… Première prise de repère pour vérifier la position de la Bouée N°1, ma trajectoire a énormément dérivé sur la droite !
Forcément, mon geste étant beaucoup plus propulsif avec ma main gauche, il m’est très compliqué de nagé en ligne droite… Cela risque d’être long…
Je décide d’appuyer aussi fort que possible dans l’eau avec ma main cassée, pas question de ralentir, je dois surpasser la douleur. Ca va se jouer dans la tête ! J’ai un peu moins de 40 min à tenir, après je devrai moins souffrir quand j’aurai enfourché mon vélo.

Chaque coup de bras est douloureux, je ne peux pas faire abstraction de la douleur mais  je serre les dents. Je rattrape pas mal de nageurs, cela me booste, mais ma trajectoire ressemble tout même à un long serpentin…

Dernière ligne droite, je peux voir l’arche de transition rouge qui annonce la sortie de l’eau. Un dernier coup de fouet avant d’en finir avec cette douleur atroce.
Je sors de l’eau en 33’50 » à ma montre, j’ai « sauvé les meubles » comme on dit. Mais je ne peux pas m’empêcher d’afficher une légère déception sur mon visage car j’ai bien évidement nager moins vite que l’an dernier malgré toute l’énergie que j’ai déployé. (+ 2 min par rapport à l’an dernier)

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Enfin sorti de l’eau !!

 

Transition 1 :  Natation-Vélo (5’20 »)

400 mètres me séparent du parc à vélo où je dois effectuer ma transition.
Je cours à toute vitesse sur le tapis rouge qui me mène à l’emplacement de mon sac correspondant à mon numéro de dossard 1279. Dans ma course j’ai déjà enlevé le haut de ma combinaison mais j’ai fait tombé mes lunettes et mon bonnet que j’avais bloqué dans ma manche (technique efficace d’habitude…). Je tourne la tête mais j’ai déjà parcouru une vingtaine de mètres, tant pis… Pas le temps de rebrousser chemin, chaque seconde est précieuse.
J’effectue ma transition aussi vite que je le peux, il fait alors 15 degrés, le ciel est gris mais pas très menaçant. Je choisis donc de rester en tri-fonction seule pour la partie vélo,    j’hésite même à rester pieds-nus dans les chaussures de vélo mais je finis par enfiler une paire de chaussettes pour plus de confort.

Je récupère mon vélo, me voila en train de sprinter à coté de mon vélo vers la sortie du parc. Je dépasse la ligne blanche qui m’autorise à enfourcher mon bolide, ma tentative pour enfiler mes chaussures (déjà fixées sur le vélo) tout en roulant n’est pas très belle à voir mais c’est à peu près éfficace.

Vélo : 90km 1300 D+ (2h58′)

(La partie vélo ayant été très périlleuse, vous m’excuserez pour les détails.  Je ne suis par certain de quand (kilomètre exacte) se sont passées toutes ses péripéties, je vais essayer de vous livrer tout ça comme je le peux.

Pleine bourre !
Positionné sur mes prolongateurs, je pars à pleine vitesse, le début du parcours est très roulant, il faut en profiter ! (Ma main peut enfin souffler, même si je remarque qu’elle a pas mal gonflé !)
Je ne fais que remonter des concurrents pour le moment, mon cardio est très haut mais je sais qu’il va finir par redescendre (je commence à me bien me connaître). Je me sens bien quand les premières bosses arrivent.
Mon rythme dans les côtes est bon, je continue de doubler, les 20 premiers km passent très vite. Quelques minutes plus tard j’entends quelqu’un m’interpeller :  « Allez Seb » , c’est mon pote Guitou (excellent rouleur) qui me double à une vitesse folle, je n’ai même pas le temps de lui répondre. Je savais qu’il finirai par me rattraper (la natation n’est pas son point fort) mais je ne pensais pas que cela serait aussi tôt dans le parcours !
Incapable de le suivre, je poursuis ma route à mon allure.

Le moment où tout bascule…

A mi parcours la pluie s’est joint à nous. Un petit crachin breton nous fouette le visage. ce n’est pas très agréable mais cela passe encore. Je commence tout de même à regretter de ne pas avoir enfilé un coupe vent. Je croise la route de Fred qui a fait une superbe Nat’ (il terminera la course avec un beau chrono).
Au Km 50, la pluie s’intensifie, ce sont désormais des trombes d’eau que nous affrontons. Les descentes dans les lacets deviennent dangereuses, mes freins n’ont plus aucune action sur mes roues carbone. Je dois écraser la manette de toutes mes forces des centaines de mètres avant chaque virages pour ralentir ne serait-ce qu’un tout petit peu. Le frein arrière ne m’est plus du tout accessible, impossible de l’écraser avec ma main cassée…
Cerise sur le gâteau, la température à chuté violemment avec l’arrivée de ce front orageux. Il fait aux alentours de 5 degrés, le tonnerre gronde non loin de là et la route ressemble à un ruisseau tellement la pluie redouble de violence. Tout ça est arrivé si vite ! En moins d’un quart d’heure les conditions sont devenues apocalyptiques.

Je suis complètement gelé. Mon corps entier tremble tellement fort que mon vélo vacille dangereusement de droite à gauche. Impossible de se réchauffer, les descentes se multiplies et ma température corporelle ne cesse de chuter. Je ne sens plus mes mains ni mes pieds. Mes épaules découvertes, je subis de plein fouet les assauts des rafales de vent gelées qui ne sont pas loin de me pousser à la faute même dans les lignes droites.

Le col de Cengle se dresse devant moi, « Enfin ! C’est l’opportunité de se réchauffer un peu ! » . Je l’attaque à fond, en danseuse, debout sur les pédales en appuyant de toutes mes forces pour faire monter mon rythme cardiaque et tenter de faire monter ma température. Je double énormément de monde, tous ces athlètes pétrifiés par le froid. Nous nous jetons des regards de compassions qui on l’air de dire « Mais qu’est ce qu’on fous là !? ».

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Ascension du col de Cengle sous la pluie battante 

Je suis déjà au sommet du col ! (j’apprendrai par la suite que j’ai explosé mon record de cette ascension) Malgré mon effort intense,  je suis loin de m’être réchauffé. Il reste encore 20km et quasiment que de la descente… C’est mal barré !
J’enchaine les virages au ralenti pour ne pas risquer la chute, de nombreux concurrents autour de moi se font surprendre et finissent dans le décor. Les bénévoles accomplissent un travail de dingue (encore bravo à eux). Entre les athlètes gelés et ceux qui ont chuté, ils ne savent plus où donner de la tête.
Le parcours n’en finit plus, je suis contraint d’enchainer toutes ces descentes le plus lentement possible, la route est recouverte de boue et de flaques gigantesques. Je suis en mode « survie » je mets toutes les chances de mon coté pour atteindre ce foutu parc à vélo où je pourrai attaquer la course à pied et peut-être enfin me réchauffer.
Cela fait un moment que mon mental est soumis à rude épreuve, je suis mort de froid. Le vent m’oblige à me cramponner à mon guidon mais ma main me fait terriblement souffrir, il faut que cela finisse, je suis en hypothermie. Comme je m’en veux de ne pas m’être couvert lors de la transition, tout ça pour gagner quelques secondes … ça aura au moins le mérite de me servir de leçon.
Les 10 derniers km sont un vrai calvaire, je n’arrive presque plus à tenir mon guidon, mon vélo et mon corps tremblent à l’unisson. Je rentre enfin dans Aix en Provence…

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L’entrée dans Aix… Complètement gelé, le visage éteint

 

Transition 2 Vélo-Course à pied (4’53 »)

Le parc à vélo est presque désert. Je n’ai malheureusement rien pour me couvrir, j’enfile mes baskets avec mes chaussettes trempées. Je n’ai plus aucune lucidité, je prends la direction de ce que je pense être la sortie du parc avant qu’un bénévole ne m’interpelle: « Ehh pas par là !! La sortie est de l’autre coté !! »
Demi-tour, heureusement qu’il était là ^^

Course à pied 21km (1h38′)

3 boucles de 7km dans le centre d’Aix pour en finir avec cet ironman aux conditions extrêmes.
Je ne sens plus du tout mes jambes. je suis incapable de dire à quelle vitesse je cours, Tout ce que je sais c’est que j’ai terriblement froid, j’ai la tête qui tourne. Même le fait de courir ne semble pas du tout me réchauffer. Par chance j’aperçois Karen et les copains venus m’encourager au bout de cette ligne droite. Je fais de grands gestes pour essayer de leur faire comprendre que j’ai besoin à tout prix de me couvrir. Ni une ni deux ils sortent du sac à dos de Karen un coupe vent qu’ils me tendent aussitôt (je crois bien que c’est Nadège et Marjorie même si mes souvenir sont flous ^^).

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Sacré style non ? ^^  Une bonne partie du parcours est recouvert de boue. Attention la glissade !

A ce moment précis je leur suis tellement reconnaissant ! Je ne vois pas comment j’aurais pu continuer sans une couche de vétement supplémentaire.
Je perds quelques minutes à tenter de fermer ma veste avec mes mains gelées. Me voila reparti, les premiers kilomètres sont laborieux, mais je commence doucement à me réchauffer. Peu à peu je reprends ma lucidité et les sensations s’améliorent.

Le deuxième tour est synonyme de renouveau, ma foulée est propre, ma vitesse est bonne. Je souffre mais je me sens beaucoup mieux. Sur tout le parcours Karen, mes parents et mes amis sont là pour m’encourager, dans le froid et sous cette pluie battante. Merci vraiment à eux pour tout leur soutien. Je les entends donner de la voix à chaque fois que je passe devant eux, j’ai vraiment du mal à les remercier sur le moment, je n’en ai pas la force (j’espère qu’ils ne m’en tiendront pas rigueur ^^)
Toute mon énergie est concentrée dans ma foulée. Les passages dans le Parc de la Torse ressemblent à du cross dans la boue. Les côtes et les virages techniques s’enchaînent.

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Merci aux supporters courageux^^ 

Malgré ces conditions très difficiles, mon expérience m’a permis de gérer comme il fallait mon alimentation et mon hydratation tout au long de la course (au moins ça ^^).
Je termine ce semi-marathon en trombe, je me paierai même le luxe d’enlever mon coupe vent pour le dernier tour et donner tout ce qu’il me reste.

La dernière ligne droite sur le cours Mirabeau se termine au sprint. Je franchis l’arche d’arrivée. Je regarde ma montre non sans peur d’être terriblement déçu par mon chrono.

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Quand même content d’en finir !!

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Incroyable, je réussi à quand même améliorer mon temps par rapport à l’année dernière (de 5min) malgré des conditions plus que défavorables et une main droite cassée.

Cela me redonne le sourire, j’aurai aimé mieux faire, mais dans ces conditions cela reste un beau lot de consolation.

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La fameuse Finish line !

Un chrono en 5H20 pour cette édition de l’Ironman d’Aix 2018 !

Un très grand Merci à tout ceux qui étaient présent ce jour là :
Karen, mes parents, Marion, Nico, Melanie, Laurie, Flo, Steph, Pipou, Crabou, Raph,
Merci à Marjo, Cedric et William, qui m’ont fait la surprise d’être là également ^^

Merci aux autres pour tous vos messages d’encouragement (Sms / messages Facebook et Instagram)

Merci à tous les bénévoles qui ont fait tout leur possible pour venir en aide aux athlètes.
Bravo à Guitou pour son joli chrono et sa belle perf’ à vélo.
Mention spéciale à Richard qui a été contraint d’abandonner après une très belle natation et un super vélo jusqu’à l’hypothermie. Tu as tout donné, ce n’est que partie remise, le prochain sera le bon !

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Un grand merci à vous tous, vous avez été géniaux
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En plein interview juste après la ligne d’arrivée ^^
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Toujours près de moi … ❤
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Il me reste encore un tout petit peu d’énergie pour faire le pitre après la course ^^ (je suis surtout heureux de pouvoir enfin prendre une douche chaude !!)

Il me reste moins d’un mois avant l’Alpsman. La tache s’annonce plus que difficile (surtout avec une main en moins) mais encore une fois je donnerai tout pour atteindre mon but.

 » A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire »

Rendez-vous à Annecy le 9 Juin pour cet XTrem Triathlon :
3,8km de natation
183km de vélo avec 4 300m de D+
42km de Course à pied avec 1 300m de D+

A très vite,

SEBRun’N Ride

 

 

 

 

 

 

 

 

 

8 commentaires sur « IRON(MAN vs WILD) 70.3 Aix 2018 »

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