POCO LOCO 1700km (Montpellier-Barcelone)

Contexte

Cette année 2022 a été compliquée et éprouvante.
En voulant reprendre la voile, j’ai clairement complexifié mon calendrier car l’ultra cyclisme demande un investissement total (physique et mental)

Je me suis certainement montré trop ambitieux… Mais peu importe. Ce fut très enrichissant de participer au Championnat du Monde. J’ai pris beaucoup de plaisir à re-naviguer, retrouver le contact avec la mer et le vent. Je ne regrette en aucun cas mon choix.

J’avais donc décidé d’alléger significativement mon entrainement à vélo. Avec pour seul objectif, la RAF 300 en duo avec Karen, ma moitié.

Mais voila… L’ultra est une véritable addiction et j’ai rapidement ressenti le besoin de prendre le départ d’une nouvelle aventure…

Après le bikingman AURA début Août, j’ai touché du doigt les limites du sommeil en course (avec 1h30 de sieste cumulé en 3 jours). Beaucoup moins entrainé qu’en 2020 ou même 2021. J’ai tout de même éprouvé un certain plaisir à me battre chaque nuit pour repousser mes limites. Le corps et l’esprit sont des outils fascinant car il est difficile (voir impossible) d’en maitriser totalement le mode d’emploi.

Quand je suis tombé sur la POCO LOCO (Nouvelle venue dans le paysage de l’Ultra), les valeurs faisaient totalement écho à mes préoccupations du moment. Un engagement écologique et une « Aventure » plutôt qu’une « course »

Même si j’adore « jouer à faire la course ». En cette période je ressens vraiment un besoin de légèreté et d’évasion.

Le 1700Km annonce un parcours grandiose et à la fois engagé. De plus, peu de personne y sont inscrit. Je trouve que le fait d’être peu nombreux rapproche d’autant plus les « aventuriers » et renforce la solidarité. Parfait, Mon choix est fait !

Photo officielle pré-départ by @_sonam.cc-
POCO LOCO 2022 – Photo par Aubin BERTHE – BIDAIA ( http://www.bidaia.fr )

LE DEPART / JOUR 1

Samedi 8 Octobre, 7H00

Il fait encore nuit, nous voila devant la boutique « Avenue du Vélo » à Mauguio, prets à prendre le départ.

Le briefing terminé, le départ est lancé dans la foulée.

Il pleut légèrement, je tarde à m’arrêter pour enfiler un top gore tex. Les petites averses s’enchainent, avec de temps en temps de légères éclaircies. Les paysages sont magnifiques, très peu de voitures. Je croise régulièrement le van de l’orga avec Lou, Harald et Aubin le photographe.
Bref, la recette parfaite pour apprécier pleinement le voyage.


Pourtant quelque chose ne va pas. Je ne me sens pas à ma place… Karen (ma femme) et Louis (mon fils d’un an et demi) me manquent… Je remets en question mon choix de m’être aligné sur cette course…
Le journée se passe dans la douleur et l’incertitude.
La tomber de la nuit ne va pas m’aider. Je continue de broyer du noir. J’entre dans un combat intérieur. L’idée d’abandonner ne fait pas que me traverser l’esprit, elle me hante à chaque coup de pédale.
Je souffre déjà physiquement, mon moral est au plus bas. Je finis par me sortir de ce tourment en passant un pacte avec moi-même. « Passe cette première nuit et tu t’accorderas une sieste dans un lit le jour suivant ».

J’avance péniblement mais j’avance. En plein coeur de la Lozère au beau milieu de la nuit. Mon regard est attiré par un distributeur de Pizza au bord de la route. C’est ma chance ! Je n’ai rien avalé depuis des heures !
Je pose mon vélo et m’apprête à insérer ma carte bleue quand un message apparait à l’écran : « Toutes les pizzas ont été vendues ! »

et M**** …

Un véritable ascenseur émotionnel, mon réconfort pour affronter la nuit vient partir en fumée. dépité, je remonte sur vélo.

je passe le petit village de Chanac, Je sais que Sylvie et Richard (des amis) se trouve à quelques minutes de là. L’abandon me tend les bras. Je n’ai qu’une seule chose à faire, me dérouter légèrement pour profiter d’un repas chaud, un bon lit et rentrer à la maison le lendemain pour retrouver ma famille.

Un instant d’hésitation… Je finis par me convaincre de continuer à suivre la trace.

Il ne pleut plus, mais l’humidité et le froid me saisissent vers 3h du matin. J’ai mis sur moi tous les vêtements que j’avais. Je décide de m’arrêter dans un sas de banque au coeur d’un petit village à la place pavé. Programme sur mon téléphone un réveil pour une sieste de 10 minutes afin de me réchauffer et d’effacer ces pensées négatives qui me hantent depuis le départ.

A peine la temps de m’allonger au sol que mes yeux se ferment. L ‘alarme de mon téléphone retentit, il est déjà temps de repartir…



JOUR 2 / ROCAMADOUR, LA DELIVRANCE

Cette micro sieste m’a fait du bien,

Mon mindset à (enfin) changé, j’ai de nouveau la volonté d’avancer.
J’attends l’aube avec impatience, synonyme de réconfort et d’une nouvelle journée qui s’annonce. Les premiers rayons de soleil se fond désirer. 8H30, il commence à peine à faire jour. Nous sommes en octobre, les nuits vont être très longues… (entre 11 et 12h de noir total) j’avais vraiment sous estimé ce paramètre.
A chaque traversée de village, je scrute la moindre enseigne avec l’espoir de voir écrit : »boulangerie ». Les heures défilent et je ne trouve rien. La faim commence réellement à me tirailler. Il est 9h quand je m’arrête dans un Bar Tabac, achète tout ce qui peut se manger (des chips et des barres en tout genre), rien de bien intéressant en terme nutritionnel mais je n’ai pas les moyens de jouer les difficiles… J’ai faim.

Je vais jouer de malchance tout au long de la journée. A mon passage dans les différents villages tous les commerces viennent de fermer où ne sont pas ouverts tout court. Et oui on est Dimanche ^^
Je rêve d’un plat salé, un sandwich ou même une petite quiche. J’apelle Karen pour chercher un peu de réconfort. Elle me dit que le village suivant est assez grand (St Céré) et que je devrais normalement y trouver de quoi me restaurer.
Je passe devant un panneau… Il est à 29km… Autant dire qu’après une nuit à jeun, cela me parait interminable. J’y parviens enfin mais le village semble desert. Arrivé sur une grande place, je m’assois à la terrasse d’un bar. Le serveur me dit qu’ils ne font pas à manger mais qu’il peut m’offrir une demi baguette de pain et me couper un peu de saucisson. Je le remercie en lui assurant que ça fera parfaitement l’affaire !

A chaque bouché je reprends peu à peu des couleurs. J’aperçois Sandie (#109) qui arrive sur la place du village. Je lui fais signe.
On se racontent nos quelques péripéties avant de reprendre la route ensemble. Il est 19H lorsque nous atteignons le magnifique petit village de Rocamadour. Harald et Aubin sont là. Tous les commerces sont ouverts ! Je vais ENFIN pouvoir faire le plein de ravitaillement.

Le temps de dévaliser une épicerie fine et un petit Spar. Je boulotte un sandwich avant de reprendre la route un peu avant Sandie. Le vélo chargé de bouffe et donc le moral au beau fixe pour attaquer cette nouvelle nuit. J’ai le droit à une magnifique coucher de soleil pendant que je gravis un petit col avec des bons « pétards » à plus de 12%. La première partie de nuit se passe très bien (avec le ventre plein c’est tout de même plus facile 😅).

JOUR 3 / LES LANDES, SES LIGNES DROITES ET SA PLUIE ^^


Je vois sur l’appli’ de tracking que tout le monde part se coucher un peu « tôt » avant minuit. Je décide de pousser un peu plus en tirant jusqu’à 3h du matin. Heure à laquelle je m’accorde comme convenu une (courte) nuit d’une heure mais dans un lit !
Je quitte ma petite auberge en ayant malgré tout la sensation de ne pas avoir dormi du tout. Je traverse un gros coup de moins bien vers 6h du matin, de nouveau happé par le sommeil. Le lever du jour arrivera à point nommé pour me sortir de cet état éreinté.

Le ciel commence à se couvrir en approche des Landes. Après 3 jours de course, je peux dire que je suis certainement l’un des plus lent mais ma stratégie de sommeil (ou de non sommeil 😅) fait que je suis au contact. J’ai même une agréable surprise en ce début de journée, je me retrouve en tête de la course suite à la casse de dérailleur de Tom (#22). Situation qui risque de ne pas durer très longtemps car je le vois de nouveau en mouvement sur le tracker et il n’est pas loin derrière. Il a certainement du trouvé une solution pour réparer 😉.

C’est assez drôle de me dire qu’il n’y a personne devant moi lorsque je regarde la route droit devant (C’est certainement la première et la dernière fois que ça m’arrive en Ultra alors j’en profite 😜)

Tom (#22) finit par me rattraper en milieu de matinée, On discute un peu lorsqu’il arrive à ma hauteur et il me raconte qu’il a carrément emprunté le vélo d’un pote ^^ . Il me faussera compagnie quelques minutes plus tard, je ne le reverrai plus avant mon arrivée à Barcelone.

La pluie s’est de nouveau invitée sur le parcours. Je traverse quelques averses plus où moins virulentes. S’habiller, se déshabiller, Coupe vent étanche, pantalon Gore tex, sur-chaussures. Voila à quoi vont ressembler les 5 prochaines heures.
Mais les Landes ce n’est pas seulement un climat humide, c’est également de très très (très) longues lignes droites interminables 😅. Il m’arrive de ne pas changer de direction pendant parfois 20km. Je commence à trouver le temps long sous ma capuche 🌧

Petit stop à une station service pour refaire le plein de nourriture. Un Kit Kat pour le moral et des Pringles pour l’apéro ^^ ( Oui en Ultra mieux vaut ne pas être regardant sur la diététique ^^)
Les heures défilent, un rapide calcul pour estimer vers quelle heure je serai à Hossegor. Certainement en début de soirée. Cela me donne un objectif à court terme. Cet endroit représente pour moi le »spot » des vacances 🏄🏻‍♂️.

Un autre aventurier est en approche, je le vois fondre sur moi grâce à l’application de dotwatch. C’est un autre Séb (#129) ^^. Il est 19H lorsqu’il me double sur un longue ligne droite. Je m’attendais à discuter un peu avec lui mais il semble pressé 🚴🏻‍♂️💨. Il me lance un « Salut » avant de filer à toute allure.

La nuit s’installe et la pluie redouble de violence. Je me trouve désormais sur la piste de la velodyssé. Une route que je connais bien pour l’avoir traversée dans son intégralité en bikepacking avec ma Karen lors de nos vacances d’été 2019 🚴‍♀️🚴🏻 🏕.

le faisceau de mon phare avant illumine l’épais rideaux de pluie dans lequel je progresse tant bien que mal. Mon pote Damien tente de m’appeler (l’appel s’affiche sur mon Garmin) mais il pleut beaucoup trop fort pour que je puisse lui répondre. Il est lui aussi Ultra cycliste, je l’aurai régulièrement au téléphone chaque soir pour lui pondre le recap’ de ma journée. Ça me sort de la course quelques instants et on se marre bien en se racontant tout et n’importe quoi.

Blague à part, il faut vraiment que je trouve de quoi manger avant d’affronter cette nuit qui s’annonce très compliquée au vu de la météo ☔️

Au loin j’aperçois un homme au bord de la route qui à l’air de m’attendre, il me fait signe, je m’arrête à sa hauteur.
« Vous faites la Poco Loco !? »
« Euh oui »

Il m’explique qu’il a des amis qui font le 700km (Virginie et William dont je ferai la connaissance à Barcelone 😉). Il me propose des barres et autres ravito. C’est adorable. Je le remercie chaleureusement avant de reprendre mon chemin.

Quelques kilomètres plus loin un autre homme est sur le bord de la route, abrité par un parapluie
« Allez Sébastien ! presque la moitié du chemin ! »

C’est génial de voir que nous sommes suivis ^^

Séb (# 129) arrive de nouveau à ma hauteur, j’ai du le doubler pendant qu’il s’arrêtait acheter à manger. On prend le temps de discuter un peu. Il a fait une insolation le deuxième jour. Il me dit qu’il préfère rouler sous la pluie plutôt qu’en plein chaleur. Je suis assez d’accord même si là je commence un peu à saturer de la flotte ! ☔️

J’atteins Hossegor peu de temps après, vers 22H. Je sais exactement où me rendre pour me restaurer. le petit pub sur la plage central au bord de l’océan est ouvert tard le soir. Je gare mon vélo à l’abri et entre dans le bar.
« Ah désolé on ne fait pas à manger le lundi soir » me lance le barman…
Heureusement il m’indique la pizzeria un peu plus bas qui propose à emporter.

Je m’y rend sans trainer. Je commande un pizza poulet crême fraiche et m’installe sur la terrasse à l’abri de la pluie pour la manger.

La serveuse sort et me propose de la manger au chaud à l’intérieur. Je la remercie mais je ne veux pas tout tremper, je préfère rester dehors. Elle insiste et finit par m’apporter des couverts et une carafe d’eau. Elle me demande ma destination. Je lui explique que je viens de Montpellier et que je me rends à Barcelone. Elle rigole en me disant que j’aurais pu faire plus direct comme trajet.

Je repars le ventre plein, rassasié grâce à une bonne pizza bien chaude. La serveuse et les clients du restaurant me regardent remonter sur mon vélo comme un marin qui reprendrait la mer pour affronter une tempête. Il pleut toujours très fort. Je passe à deux doigts de la correctionnelle en faisant le tour du port de Capbreton. Une glissade sur les pavés me met au sol mais par chance je n’ai rien mis à part un bleu à l’épaule.

Je fais en sorte d’être plus attentif jusqu’à ce que le pluie finisse enfin par cesser. Je suis à une vingtaine de kilomètres de Bayonne.
Il est 23H quand une fois encore, se présente devant moi un homme qui me fait signe, seul dans la nuit, debout à coté d’une voiture avec le coffre ouvert. C’est un autre dotwatcher qui suit la course (Finisher de la French Divide). Au même moment un autre phare pointe dans notre direction.
« Ah tiens voilà Sandie ! Comment tu vas !? »
Notre nouveau supporter nous propose lui aussi des Pom’potes et des barres. « C’est presque de la triche cette Poco Loco , on a droit à une assistance 😜 »

Nous le remercions chaleureusement avant de repartir ensemble. Sandie m’annonce qu’elle va dormir à Bayonne. Nous partagerons le trajet jusqu’à son point de chute. Après 3 jours d’aventures ça fait du bien de partager un moment d’échange convivial.

Nos chemins se séparent passé Bayonne (C’est la dernière fois que nous nous verrons physiquement avant l’arrivée mais ce n’est que le début de longs échanges tout au long de notre périple).

Une chambre m’attend à Ainhoa, quelques kilomètres seulement avant la frontière espagnole. J’espère pouvoir y faire sécher mes affaires qui sont totalement trempées.

Il est 2h du matin, me voila devant l’hotel…


JOUR 4 / LES PYRENEES CA GRIMPE ET CA TAPE !

Petite désillusion au moment d’accéder à chambre. Pas de quoi faire sécher les affaires. Tant pis, je prends une douche et me couche aussitôt. 1h30 plus tard le réveil sonne. Renfiler des affaires totalement trempées, ça, je connais bien (après plus de 20 années passées à naviguer). La seule différence c’est tout de même le fait qu’avec des affaires de vélo, c’est beaucoup plus désagréable qu’avec une combinaison Néoprène…😅

J’avais tout de même apporté dans mes sacoches une deuxième paire de chaussettes (le seul vêtement que j’ai pris en double). C’est le moment où jamais de s’en servir, même si tous le bénéfice de confort s’est immédiatement annulé lorsque j’ai enfilé mes chaussures de vélo également trempées…

Je passe la frontière au petit matin vers 5h. Je tombe sur un distributeur (de barres et boissons). Je prends tout de suite la décision de m’y arrêter en prévision de ce qui m’attend. Karen m’a prévenu, je ne trouverai rien sur ma route aujourd’hui pour me ravitailler. La traversée de la Navarre est absolument magnifique, mais c’est aussi un véritable no man’s land. Ce sera également la journée avec le plus gros D+

Les premiers cols annoncent la couleur. Il y a régulièrement des portions entre 12 et 20%. À tel point que je prends très vite le réflexe de me déclipser des pédales pour pousser mon vélo quand je vois que la pente devient trop raide. Il n’y a aucun intérêt à jouer les gros durs à tout vouloir passer sur son vélo si c’est pour exploser au bout de la cinquième bosse ^^.
C’est un vrai défilé de moutons, de chevaux et de poneys. La route est très sauvage, il n’y absolument aucune voiture et la brume parsemée de quelques éclaircies rend l’atmosphère absolument fantastique et enivrante.

C’est clairement la partie de parcours que je vais préférer. Je me sens presque obligé de m’arrêter en haut de chaque col pour immortaliser le panorama qui s’offre à moi.

Sandie m’envoie un message sur Instagram qui me fait beaucoup rire :
« C’est normal que je sois à pied tt le tps ????? » 😂

J’en conclue qu’elle est juste derrière moi et qu’elle vient d’enchainer la série de « murs » que je me suis frappé il y une petit heure.
Je lui réponds que c’est la même pour moi et qu’à ce rythme là, on sera à Barcelone d’ici fin octobre !

J’amorce au même moment une descente entièrement pavés. Une pente à -20% les deux mains sur les freins. Elle me parait interminable . Je râle seul dans ma barbe mais en même temps, je me dis que ce genre de moment « galère » forgent les plus beaux souvenirs (et c’est vrai !)

Nous passons le reste de la journée avec Sandie à nous envoyer des vocaux (comme les jeun’s). C’est vachement plus pratique pour parler quand on est sur le vélo ^^. Une espèce de routine se met en place entre nous, comme si nous étions deux vieux amis qui se racontent leurs aventures. Chacun y va de sa petite anecdote : Des Patous 🐶 qui essaient de nous courser, aux délicieux « Jamon y queso » 🥪 l’on peut trouver dans un pauvre bar perdu au milieu de nul part, en passant par Christoph (#118) notre ami Allemand qui est à nos trousses et avance comme un avion la journée !

Nous échangerons ainsi jusqu’à l’arrivée à Barcelone 📲

Il est 15h lorsque je passe la barre des 1000 kilomètres. J’envoie un message à Steven (Le hyaric) pour lui faire part d’un problème qui me tracasse depuis plusieurs heures. J’ai faim mais rien ne semble me satisfaire. Cela fait plusieurs fois que je m’arrête sans trouver quelque chose qui me donne envie. Il me répond immédiatement et me donne quelques clés. Son aide s’avérera très précieuse. Il me donnera LE conseil dont j’essaierai toujours de me rappeler :
« Pense au repas que tu rêves de te faire à l’arrivée de cette course et essaie de le trouver »
C’est bizarre mais j’ai envie d’un bon taboulé frais. Le hasard fait bien les choses, je tombe nez à nez avec un carrefour contact dans un endroit improbable avec rien autour.

J’y trouve ce que je suis venu cherché mais je fais la grave erreur de ne pas anticiper ce qui m’attend le jour suivant…
je ne trouverai plus rien à manger jusqu’au lendemain 15h (soit quasiment 24h sans me ravitailler)

La pluie s’amuse à aller et venir durant toute l’après midi.

La nuit tombe, une pensée noire (qui s’avérera incroyablement prémonitoire) me traverse l’esprit…
Je reçois un sms de karen… Le papa d’une amie très proche vient de succomber à son cancer…
Saisi par l’émotion, je m’arrête instantanément de pédaler. Les larmes aux yeux. Arrêté au bord de la route, j’écris un petit message de soutien à mon amie. Cela me ramène à la disparition de ma maman dans les mêmes circonstances il y a un peu moins de deux ans…
Très vite, je ressens un besoin inexorable d’être prêt de mon fils et de ma femme. Je me répète que la vie est à la fois belle est cruelle. Il faut profiter de chaque instant…

Le coeur gros, je poursuis ma route en lâchant régulièrement quelques larmes. Il n’est que 22h mais je décide que la journée s’arrêtera là pour moi…

JOUR 5 / HypoglycémieS et Hallucination(S)

Je ne parviens pas à trouver le sommeil. Après une heure à tergiverser dans mon lit, je me dis que je ferais aussi bien de remonter sur mon vélo pour avancer.

D’un seul coup d’un seul, me voilà debout en train d’enfiler mes vêtements humides. Il est minuit passé quand mon phare dynamo avant se met à scintiller de plus belle. Je roule mais les sensations ne sont vraiment pas terribles.
J’atteins péniblement le sommet d’un long col aux alentours de 7H30. Je m’apprête à amorcer la descente quand je m’assoupis soudainement. Cela ne dure qu’une micro seconde et je parviens à garder le contrôle de mon vélo, évitant de peu la chute.

Je freine et pose pied à terre aussitôt. Déplie mon Bivy et m’allonge sur le sol durant 10 minutes afin de reprendre mes esprits.

Quand mon réveil sonne, les premières lueurs du jour son là. Je me sens un peu plus frais et d’attaque pour la longue descente qui m’attend. Le visage camouflé dans ma doudoune et mon coupe vent. L’air est sacrément frais et humide.

Je suis sur une route qui semble traverser une grande et longue vallée. La température monte au fur et à mesure que le soleil s’élève dans le ciel. Me voila enfin en maillot court en train de sécher, mes sur-chaussures suspendues à mes prolongateurs.

La route est vallonée mais pas difficile. Pourtant je n’avance plus. Je n’ai plus d’énergie. Mon dernier encas remonte à 16h la veille.
J’enchaine les hypoglycémies les unes après les autres. Il fait 24 degrés, j’ai des frissons et ma vue se trouble. Si je ne trouve pas à manger très vite je ne sais pas comment je vais pouvoir m’en sortir.

Je traverse quelques hameaux, tape à la porte de certaines maison, mais aucun signe de vie.
Alquire est le prochain village (assez grand) qui me laisse espérer trouver de quoi manger. Mais il se trouve à 20km et un peu en dehors de la trace.

Je suis à bout de force. Chaque minute me parait interminable. Mais je n’ai qu’une seule solution : Avancer
au loin, je crois voir quelqu’un avancer dans ma direction, je crois bien que c’est un vélo, Oui s’en est un !

Je l’interpelle « Buenos dias ! »
Un cycliste dans les parages veut certainement dire qu’il y a un village pas loin.
Je déchante assez vite quand il m’annonce que je ne trouverez rien à Alquire. En revanche il m’indique le petit village de Nocito qui compte deux restaurants. Karen me l’a également mentionné. Cela semble être le seul espoir auquel je peux me raccrocher.

Il me tend gentiment une barre qui va me permettre de retrouver un soupçon d’énergie pour rallier Nocito.

Nous sommes le jour de la fête National en Espagne, mais fort heureusement, Nocito semble assez touristique pour garder ses commerces ouverts.
Je m’assois et commande le premier plat que je vois sur la carte : Des oeufs brouillés, du bacon et des patatas bravas.

J’ai l’impression de revivre. J’en profite pour acheter deux sandwich que j’accrocherai à ma sacoche arrière (hors de question de traverser une nouvelle fois ce genre de situation critique).
Il y a quelques madeleines dans des sachets individuels sur un présentoir. La serveuse m’en propose aimablement quelques unes. Je lui demande si je ne peux pas TOUTES les lui acheter ? Elle me regarde en souriant et me fait comprendre qu’elle me les offre de bon coeur ^^

Je dois vraiment faire peine à voir 😅

Me revoilà en selle, le ventre plein. Christoph (#118) me reprend à la sortie du village de Nocito. On prend le temps de plaisanter un peu, Ça me fait le plus grand bien. Il poursuit son chemin à un rythme plus soutenu que le mien.

Etant un peu plus lucide j’en profite pour lever la tête plus régulièrement, le paysage est juste grandiose. Ma vision à 360 degrés est juste indescriptible tellement les couleurs et les reliefs sont spectaculaires.

En début de soirée quelques averses viennent rafraîchir l’atmosphère.
Vers 21h30 je trouve une station service où j’achète quelques aliments « plaisir »
Tiens, voila Christoph qui débarque et s’y arrête également. J’ai du le doubler lorsqu’il était arrêté sans m’en rendre compte. Nous repartons ensemble. Il m’annonce qu’il va dormir non loin de là, à une vingtaine de kilomètres. L’esprit de compétition revient, j’ai de nouveau envie de jouer à faire la course. Je vais pousser le curseur un peu plus loin histoire de creuser l’écart avant d’attaquer les dernières 24H de cette folle aventure.

Avant de prendre cette décision, j’aurais mieux fait de réfléchir en faisant le point sur mon état général. Je n’ai pas su déceler les signes. Je suis exténué et des premières hallucinations se manifestent.
Un Gobelin m’a même sauté dessus en pleine réalisation d’un story 🤣 (vous pouvez même la revoir dans mes stories « à la une » POCO LOCO sur Instagram @sebrunnride 😊)

Bref, cette nuit se présente plutôt mal et je ne suis pas au bout de mes surprises…
Christoph s’est arrêté depuis 2 ou 3h. De mon coté, je commence doucement mais sûrement à délirer …
Karen m’a réservé une chambre Airbnb dans une village pas très loin. Je me trouve sur une longue ligne droite en faux plat montant (pas plus d’ 1% de pente). Mon Gps indique mon point de chute à seulement 9Km… Je me mets en danseuse pour augmenter le rythme et vite regagner mon logement. Le compteur affiche… 8Km/h.. il doit y avoir un problème… je suis pourtant à fond ! je ne comprends pas !

Je me mets à hurler de rage sur mon vélo. Cette pente est telle un pont d’autoroute interminable ! Je check à nouveau mon Gps, je suis désormais… à 12km de mon logement ! J’ai reculé !??

J’ai la sensation d’être à contre sens sur un escalator, en train de faire marche arrière. J’envoie un message à Karen :

« Laisse tomber le logement, le village ne fait que reculer ! » (Je suis en train de délirer en état de semi-conscience)

La route finit enfin par descendre.. le village est là. Il est 2h du matin quand une voiture de Police s’arrête à ma hauteur. Il me font comprendre que j’ai des écouteurs et qu’en vélo c’est interdit. Je ne me rappel plus de la suite de nos échanges. Il finiront par me laisser partir, voyant que mon logement se trouve à 300m.

Arrivé sur place c’est le trou noir, je m’affale et m’endors instantanément sur le lit, je me réveillerai 2h30 plus tard …

ravito station service avec Christoph


LAST DAY LAST PUSH ! (Nuit Blanche Franco-Allemande)

Je me souviens avoir été réveillé par le froid. En ouvrant les yeux, j’attrape mon téléphone. Il est presque 5h. J’ai du omettre de programmer un réveil avant de m’endormir.
Finalement, je suis presque reconnaissant envers moi-même d’avoir oublié 😅. Je suis bien conscient du fait que cette nuit, j’ai flirté avec la limite. J’ai atteint un stade de fatigue extrême, dû notamment au manque de sommeil excessif que je me suis infligé ces 5 derniers jours.

Je croque dans un bout de sandwich tout en reprenant ma route. C’est la dernière journée de cette Poco Loco, demain je serai à Barcelone cela ne fait aucun doute.

Les routes sont beaucoup plus fréquentées car je suis en approche de la ville de Lleida. C’est bien la première fois depuis le début de l’aventure que je peux dire « une ville » et non un village 😝.
Les Espagnols sont très prudents avec les cyclistes. Il y a beau y avoir du trafic, je me sens en sécurité. Les automobilistes font preuve de bienveillance, c’est tellement agréable.

La journée s’annonce assez chaude. Il n’y a pas un nuage dans le ciel. Je traverse un petit village aux alentours de midi, un bar est ouvert. J’en profite pour leur demander un classique « Jamon y queso » pour affronter les petits cols qui vont suivre (Ce sera le meilleur « Jamon » que je n’ai jamais mangé)

La chaleur commence réellement à se faire sentir, le compteur affiche 34 degrés. Je ne veux pas me faire surprendre et prend tout de suite le réflexe de m’arrêter à chaque point d’eau pour me tremper la tête et remplir mes bidons. Gapette baissée, je suis déterminé à ne pas subir de coup de chaud en cette journée piège !

Tiens ! Un pétard à 16% ça faisait longtemps. Une nouvelle phase « hike a bike » pour ne pas rentrer en surchauffe.

Je me souviens d’avoir envoyé un vocal à Sandie lui disant qu’il faut rentrer en « mode canicule ». Penser à s’arroser dès que possible et ne jamais se retrouver en manque d’eau.

Je suis très prudent durant l’après midi où le soleil redouble d’intensité. Je vois Christoph sur le tracker, Il est derrière moi mais me grappille kilomètre par kilomètre. Je suis actuellement 3ème et il doit rester 200km avant la ligne d’arrivée.

Ce serait top si j’arrivais à garder ma place ^^
Je me dis que si j’arrive à tenir devant lui jusqu’à l’amorce de la nuit, ça devrait bien se passer. Christoph roule beaucoup plus vite que moi la journée mais il dort chaque nuit plusieurs heures alors que moi je cumule 6H de sommeil depuis le début de l’aventure…

N’étant pas très rapide il faut bien que je m’adapte 😅

L’écart entre nous va se réduire progressivement. Il est 21H, me voila à Montblanc, la trace nous fait passer par le coeur de ville normalement très touristique, mais à cette heure si, les rues sont désertes.
140 km avant Barcelone.

Aux alentours de 23h, j’entends un dérailleur qui craque dans mon dos :

« Je suis content de te voir » me lance Christoph avec son bel accent allemand ^^
C’est marrant j’allais lui dire exactement la même chose ☺️

La conversation qui va suivre va nous faire sourire tous les deux :

« tu comptes dormir un peu ou tu penses finir d’une traite… ? »
« Je pense que je vais essayer de le faire en non-stop jusqu’à l’arrivée et toi … ? »
« Bein .. du coup moi aussi 😅 »

Il faudra donc une dernière une nuit blanche pour nous départager.

Aha je pense que nous avons tous les deux pris beaucoup de plaisir à faire la course à distance durant les 2 derniers jours. Nous voila proche du dénouement final.

Christoph me propose de faire la route ensemble afin de nous tenir éveillé pour la nuit. J’accepte avec plaisir tout en sachant que je ne tiendrai pas longtemps le rythme qu’il va imposer.

Je ne crois pas si bien dire. Je me retrouve vite en sur-régime dans les bosses. J’ai chaud, je suis beaucoup trop couvert pour rouler à cette cadence. À contrario, des les descentes je suis trempé et j’ai froid. Mais Christoph ne s’arrête pas, je dois donc m’adapter pour tenir à ses cotés. Je sais que mon attitude est complètement débile, je vais finir par exploser. Mais en même temps j’ai envie de faire durée ce moment totalement grisant.

Finalement, un rappel à l’ordre va me pousser à lâcher le contact de mon nouvel ami.

Dans une descente lancée à près de 50km/h, je fais une grosse sortie de route. Hypnotisé par le feu arrière clignotant de Christoph, j’ai manqué un virage. Par miracle j’ai foncé dans le bas coté, amortie par un tas de branches et de petits arbustes. Je n’ai absolument rien à part une légère douleur au dos et mon vélo est intact !

Christoph a fait demi tour en entendant ma chute. Il me dit avoir eu très peur pour moi 😰

Je reprends mes esprits et lui annonce qu’il vaut mieux que je continue à mon rythme pour ne pas prendre de risques inconsidérés.
Je m’en veux de ne pas avoir réagi plus tôt malgré le message de Guillaume. Il avait du sentir que cette dernière nuit allait tourner ainsi :

« Pas de mise en danger hein, y a plus important qu’une place à la poco loco »

Méa culpa Guillaume c’était plus fort que moi 😅 Promis je vais me montrer plus prudent !

Je laisse filer Christoph après lui avoir tapé dans la main. Désormais, je n’ai plus qu’un seul objectif, ralier l’arrivée en sécurité.
La baisse d’adrénaline s’accompagne immédiatement d’une irrésistible envie de dormir.

Je l’a repousse car je sens que je peux surmonter cette phase. 1h plus tard, je suis de nouveau bien éveillé et en approche du sommet du Montserrat vers 4h du matin. Une très longue descente et je sais qu’il me restera uniquement la montée vers Tibidabo avant de regagner le coeur de Barcelone.

Christoph n’est finalement que quelques minutes devant moi, il a lui aussi du souffrir tout comme moi de cette dernière nuit.

Comme si tout avait été parfaitement orchestré, le soleil se lèvera pile au moment de mon arrivée au sommet de Tibidabo. C’est magnifique, je m’y attarde une minute pour profiter de ce fabuleux spectacle.

Je n’ai plus qu’a poussé mon vélo dans le descente vers Barcelone et l’aventure prendra fin.

J’enchaine les longs virages en me laissant porter. L’instant est totalement euphorisant 🤩

8H30, j’arrive devant la « Sagrada Familia », ligne d’arrivée de ce périple incroyable.

Après 6jours et 18 minutes depuis le départ de Montpellier (dont 6h de sommeil cumulé)

Guillaume, Harald et Christoph (fraichement arrivé) sont là pour m’accueillir. C’était juste incroyable !

L’aventure se poursuivra à « l’Eroica Caffé » les deux jours suivants. Une superbe façon de clôturer ce voyage initiatique en échangeant avec les autres participants que l’on a pu croisé ou pas.

Cela signe la fin d’une aventure incroyable, j’ai aujourd’hui le sentiment d’appartenir à une petite famille qui à vécu hors du temps (comme beaucoup d’entre nous ont pu le dire avec ces mêmes mots).

Merci encore à Caro, Guillaume et Harald pour ce que vous avez créé 🙏 . Vous nous avez rassemblé pour la vie.

POCO LOCO !

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